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 Au commencement, il n'y avait que la terre, le ciel et moi.

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PROFIL
RPG

Au commencement, il n'y avait que la terre, le ciel et moi. Empty
MessageSujet: Au commencement, il n'y avait que la terre, le ciel et moi.   Au commencement, il n'y avait que la terre, le ciel et moi. EmptySam 4 Mai - 14:16

Le froid enserre violemment mon corps. Une douleur sèche déchire mes poumons, et j'émet un son léger, une sorte de miaulement de protestation étouffé. J'ai mal, j'ai froid, mais soudain quelque chose de chaud et humide m'enveloppe. Lorsqu'elle se retire, j'ai froid à nouveau mais un peu moins. On pince mon échine, et je me retrouve plaqué contre un corps chaud et doux, rassurant. L'odeur de ma mère m'emplit, et j'ouvre ma gueule dépourvue de dents pour téter. Je n'ouvrirai les yeux que deux semaines plus tard. Mes frères et sœurs se pressent autour de moi, et je sens une autre odeur. Il y a un animal énorme pas loin, qui sens le musc et le sang. Mon père. Nous sommes sous un rocher plat, dans l'immense toundra russe.
Dix sept jours après notre naissance, mes pairs et moi même découvrons la vue. En trois jours, nos yeux se sont ouverts petit à petit, et les paysages tannés de notre pays nous apparaissent désormais. Nous galopons dans les hautes herbes avec nos petites pattes épaisses et rentrons fourbus de crampes, mais nous repartons dès les premières lueurs de l'aube. Mère nous escorte, veillant à notre sécurité depuis ses trois mètres de hauteur. Elle est vieille, ma mère, elle est sage et dégage une impressionnante masse de magie. Elle nous élève bien comme il faut, et quatre ans après notre naissance, elle vient nous trouver un matin sous sa forme humaine. Ses longs cheveux blonds foncés méchés de roux sont emmêlés, et ses yeux ambrés perçants scrutent nos petites frimousses avec sévérité. Elle explique qu'il est temps pour nous d'apprendre à tromper la vigilance des hommes. Il nous faut rester concentrés. Les heures passent, monotones, et sans résultats. Jusqu'au jour où, furieux, mon frère aîné Lim pousse un rugissement de colère et bondisse en avant, concentrant toute sa magie vers l'avant. Il y a un craquement, un bruit de déchirure, et une silhouette humaine se découpe sur le ciel blanc. C'est l'exemple que nous attendions. Mère sourit, alors que les sons répugnants de la métamorphose emplissent le terrier et finissent par révéler cinq enfants déjà grands. Lim a les cheveux noirs comme son pelage strié de gris, les yeux couleur eau. Ma petite sœur Zala porte une tignasse blond argent, et son regard vert fouille les taillis avec incompréhension. Caris, timide, est toute apeurée par ses cheveux châtains et elle pose sur Lim des prunelles d'argent. Alix, lui, est aussi blond que le blé mûr, mais ses yeux ont la couleur de l'or, pailletés d'argent, et ses longs cils bruns conservent la magie du regard des félins. Je suis le seul à avoir les cheveux aussi roux que le poil des écureuils, et mon regard est plus pâle que celui de Lim. Mère nous détaille tous, souriante, et fait signe de rompre la métamorphose. Père revient de la chasse, et fixe sur nous son regard calme, fier. Je jurerai voir du contentement. Mais père, en tant que chef du clan des steppes, est toujours distant. Je ne connais même pas son nom, pas plus que celui de Mère. Le lendemain, il nous fallu apprendre avec lui. Je ne me souviens plus de toutes ces années d'entraînement. Mais je sais que, l'âge adulte venu, notre fratrie fut éclatée en milliers de morceaux.

La Grande Chasse annuelle va commencer. Autour de nous, des tigres inconnus vont et viennent. Nous nous dressons, tout les cinq, de toute notre hauteur mais tous, nous tremblons un peu. C'est la première fois que nous voyons des semblables venus d'autres clans, et le choc est de taille je dois dire. La taille des adultes est inimaginable, et leurs sabres donneraient des frissons à n’importe qui. Longues comme des arbres et brillantes comme le soleil, les dents de nos chefs nous font pâlir d’envie. Le cor résonne dans l’immense toundra déserte, et la chasse débute. Fou de joie, je m’élance dans un rugissement tonitruant et file à travers bois. Je saute, je cours, je bondis et je savoure le goût du sang qui coule dans ma gorge. Le temps semble suspendu, aussi suis-je surpris d’entendre si vite le cor retentir à nouveau. Dépité, je ramasse mon butin et retourne vers le point de ralliement. La terre molle sous mes pieds me berce, douce et meuble, si meuble que j’a l’impression de courir sur l’eau, au travers de l’odeur des pins et des bouleaux. J’aime la chasse. Vraiment. Et j’arrive dernier dans la clairière tant je m’amuse à chevaucher la terre et le vent, mes proies sur le dos, du sang maculant mon museau et mes pattes de devant. Tout le monde est en extase devant le butin de mon frère, répète à mon père qu’il est décidément très prometteur, fort et courageux, et capable de très bien nourrir les siens. C’est là que je parais, chargé comme un baudet, ployant sous les corps des cerfs et des jeunes ours. Mon père me dévisage, étonné, et un éclair rouge passe dans le regard de Lim. Je ne vois rien venir, seulement deux pattes griffues tendues vers moi et les sabres, les sabres encore luisants de sang. Je les sens entrer dans ma chair, près de ma nuque, et ses griffes ouvrir mon flanc. Fou de douleur, je plante les miennes dans son dos et tire. Il pousse un cri terrifiant, et ses mâchoires se referment sur ma gorge. Aussitôt un vieux chasseur intervient et le force à desserrer sa prise, et coupe son coude pour me faire avaler son sang. Un homme du Sud secoue la tête négativement, et je vois la honte de mon père passer dans ses yeux si noirs, si limpides en temps normal, si sûrs d’eux. Qu’ai-je fais ? J’ai tué, c’est qu’on m’a demandé, comment aurais-je pu prévoir que mon aîné ramènerait moins ? Comment ?! L’effarement laisse place à la colère, mais deux tigres me plaquent au sol de leurs lourdes pattes, et s’inclinent devant leur Roi. Ils demandent ce qu’il advient de faire de moi. Je croise le regard froid et jaloux de mon frère, la glace au fond de celui de mon père et la douleur dans celui de ma mère. Alors la sentence tombe, d’une voix forte et dure, inflexible comme toujours.

-Pour avoir sauvagement blessé le Prince Lim, Aaron, mon fils, vous quitterez dès l’instant où je me tairais le territoire des smilodons, et si vous revenez, sachez que je ne ferais preuve d’aucune clémence. Dès lors que vous partirez, j’enverrais à vos trousses mes tueurs, et vous ne vivrez que si vous parvenez à leur échapper. Désormais allez-vous-en, ou je vous fait trancher la tête.

Choqué, je pose sur mon Roi un regard plein de suppliques, mais aussitôt je rencontre les yeux du chef de la garde et pivote à toute vitesse. Mes pattes heurtent le sol en silence, et je démarre comme une bombe en direction des montagnes. Je file comme le vent, terrifié, mon cœur battant dans mes membres au rythme de mes foulées. J’entends les rugissements euphoriques des gardes, et je continue, plus vite, plus vite encore, droit vers la montagne. Je dois l’atteindre. Il le faut. Les gens de mon peuple disent ce territoire maudit, si j’arrive là bas, ils ne me suivront pas. Mon arrière main se baisse au maximum, et je pousse plus fort encore sur les muscles pistons de mes pattes. Les bêtes fuient à notre approche, et je m’efforce de retenir mes larmes. Je croyais que Lim m’aimait. Je ne pouvais pas savoir à quel point la réalité était autre au moment où j’entrais dans le territoire maudit et sentais la chaleur insensée et infernale de l’endroit s’engouffrer sous mes poils drus, et que les gardes stoppaient violemment. Je plantais alors mon regard bleu lagon dans les leurs, sombres, verts ou plus clairs encore. Ils me lancent un de ces regards pleins de détresse en couinant, tournants en rond, tristes de voir leur proie de leur échapper. Je comprends ce qu’ils ressentent. Je rugis, un rugissement forcené, me dresse sur mes pattes de derrière, et fonce vers la montagne. Désormais, c’est le commencement d’une nouvelle vie. Ici, il n’y a que la terre, le ciel immense, et moi.
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Au commencement, il n'y avait que la terre, le ciel et moi.

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