Courir pour quitter la ville. Sentir le choc du sol sous mes pieds. Dans mes os. Regarder en arrière pour vois si je suis poursuivi. Voir mon frère. Le visage déformé par ses cris. Jade, sa copine. Son expression de poupée cassée. Ma mère. Antonin, une marque rouge sur chaque joue. Ses larmes. Des suppliques.
La douleur du sol sous ma tempe et mon coude. Réaliser le croche pied de Terry. Rage sourde. Se battre. Avoir mal. Capturer ses lèvres, avec goût, entourer sa nuque avec les bras. Souffrir doublement d'être repoussé, et frappé d'une force inouïe. Tuer du regard. Savoir que c'est ridicule. Sentir de la chair molle, sous ma chaussure. Gifle de ma génitrice. Insultes de mon exécrable belle soeur que tout le monde trouve si parfaite. Vie et mort d'une conviction. Flash de phrases. Images de futurs neveux, nièces. Envie de vomir. Courir. Croiser Jina. Ses beaux yeux. Voir sa main qui soulève ses lourds cheveux châtains. Le vent qui ramène son parfum. Capter son regard encore, interloqué et interrogateur, qui demande "où vas tu ?" Passer le tatoueur. Réaliser n'entendre plus rien d'autre qu'une musique qu'on écoute souvent. Une musique étrange. Traverser le grand boulevard. Entendre les klaxons. Voir les feus verts. Son des vitres et du métal plié. Accidents. Se dire que peut être des gens viennent de se tuer. Continuer à courir quand même. Frôler la crise cardiaque en rencontrant Eric au coin d'une traverse. Sourire du coin de la bouche à Monica. Ne rien dire. Partir. Savoir qu'ils courent derrière moi. Voir leurs bouches ouvertessur de grands rires. Sourire vraiment, espiègle. Bondir dans le bus vers la cambrousse profonde. Apprécier qu'ils ne posent pas de questions. Se poser au fond du bus. Fermer les doigts autour d'une barre froide. Laisser Eric et Monica s'embrasser avec passion. Se moquer en silence de leur idiotie. Savoir la jalousie de n'être pas à leur place. Repenser à Jina. Crisper les doigts, serrer les dents. S'assoir finalment, la tête ballotant contre la vitre, écouteurs aux oreilles. Ne pas se souvenir depuis quand ils sont là, dans le conduit auditif. Défile le paysage, les images.
Ne pas savoir quand le sommeil est venu. Combien de temps s'est écoulé. Sauter de l'autobus au terminus. Remarquer qu'il n'y personne d'autre dedans, simplement le petit couple accompagnant. Filer à travers bois. Pousser la porte de la maison invendue et jamais mise en vente de l'enfance. Être nostalgique. Et puis se retourner à la sensation dune main sous le tissu des vêtements. Suffoquer de désir. Se demander pourquoi un couple veut coucher avec le même garçon. Se laisser aller à leur chaleur, au plaisir infini, aux étincelles qui dansent dans le champ de vision. Aimer être leur interêt commun. Se dire qu'ils ont besoin de cette présence, qu'en fat ils sont amoureux. Penser au jour du rejet, à la jouissance de leur douleur. Être surpris par l'image d'Antonin ou Jina qui s'impose à certaines stimulations. Se sentir pris dans un piège personnel.
Se retrouver seul sur la plage d'enfance, nostalgique. Hurler. Chercher encore, toujours. Galoper après la différence. Fuir ainsi, enc ourant sans jamais s'arrêter, la norme. Et puis se tranquiliser, regarder l'eau, les oiseaux.

"Pourquoi je suis comme ça ?"

Réaliser qu'on a cesser de percevoir au ralenti, enfin. Ils n'ont pas compris ce que j'entends par "comme ça". Rester sans réponse.