J'ai froid.

Tout est glacé en moi, et j'ai l'impression que je ne parviendrais jamais à me réchauffer. Je gromelle doucement, pose ma main à côté de moi mais ne ressent que le vide. La chaleur de son corps est encore là, tout comme la marque qu'il a laissé dans nos draps. Mais il est déjà partie, comme toujours, il ne reste pas. Pas de petit déjeuner en sa compagnie, cet ultime honneur m'est interdit. Je plis mes jambes contre mon ventre, avant de les encercler de mes bras. À peine partie et déjà il me manque. J'aimerai tellement savoir ce qu'il est en train de faire à cet instant. Pense-t-il à moi ? À notre fils ? Mes longs doigts caressent mon ventre, s'arrêtant sur les endroits où je le sais se trouver. Mais, alors que je devrais être la personne la plus heureuse du monde, une larme roule sur ma joue. Encore une fois, il n'est pas à mes côtés. Je l'ai conquis par la force, et malgré tous les serments qu'il me fait, je le sens qu'il ne m'aime pas. Pas autant que je le voudrais. Je me lève, entièrement nue sous la lumière de la lune. Ce soir, elle est étincelle. Elle n'est pas pleine, je n'entends pas les cris des loups qui se glicent dans Milwaukee quand l'astre est à son firmament.

J'entends distinctement un bruit dans ma chambre, mais se n'est qu'une illusion. Amarok n'est pas là. Je laisse mon corps partir, c'est à peine si j'entends le bruit mat qu'il fait quand il rencontre le sol. Loin des prunnelles brûlantes de mon démon, je laisse les larmes déchirer mes yeux, leur morsure brûler mes joues. Pourquoi tombe-t-on amoureux ? Pourquoi le destin nous fait perdre les pédales et devenir quelque chose dont nous avons toujours eu peur. J'entends distinctement les paroles de ma mère, ma soeur qui hurle que jamais elle ne trahirai son peuple que je l'ai fais. Les souvenirs se mêlent dans mon esprit comme le firent nos doigts et nos âmes durant cette nuit. Et, un cri s'échappe de mes lèvres qui s'ouvrent dans la douleur qui s'empare de moi. Mon ventre se déchire en deux, la haine remonte le long de ma colonne vertébrale sans que je ne comprenne. Je me sens partir à la renverse, de ma bouche le prénom d'Amarok revient comme une litanie.

C'est le visage blafare de ma mère qui me réveille. Autour de moi, je sens l'odeur âcre de l'hôpital. Des lumières blanches m'aveuglent, mais je ne dois pas être ici. J'hurle de nouveau, mon souffle s'accélérant. Amarok ! Où es-tu ? Pourquoi n'es-tu pas à mes côtés. Les larmes se mêlent à ma douleur, je ne veux plus être cette femme force que je te fais connaître. Je sens distinctement mes prunnelles se noircirent, ma peau devenir aussi blanche que celle d'un cadavre. Des hurlements retentissent et puis brusquement plus rien. C'est comme si on m'avait plongé dans un cocon. Plus aucun de mes sens ne me répondent, rien d'autre que le silence. Rien... Le néant. Une blancheur qui recouvre tout.

Il neige. Je sens le froid fondre sur ma peau. À chaque battement de cil, le monde me semble plus clair. Un manteau blanc recouvre les environs, des rires assourdissent mes oreilles. Mon esprit lui même est libéré de toute question. Ma soeur arrive, encore petite et sa chevelure blonde comme les blés tressés en une couronne qui illumine son visage. "Sawia ! Vient vite ! Maman veut te voir ! Saw' dépêche toi, viens voir, elles ont eu des petits" hurle ma soeur. Mais elle ne l'est pas. Les prunnelles sont bleues claires, aussi belles qu'un lagon. Elle me tent la main, mais je ne peux l'approcher. Réitérant son geste, une moue rageuse apparaît sur ses lèvres et elle croise ses petits bras sur sa poitrine. "Je vais le dire à maman. T'es pas gentille, tu veux jamais venir voir". La gamine se met alors à bouder, mais une jeune panthère vient frotter son museau contre les jambes de l'enfant. Se retournant d'un seul coup, faisant voler sa crinière de cheveux presque blanc, la petite fille laisse apparaître deux oreilles pointues, et se penche vers l'animal dont elle caresse le cou. Un immense sourire étire les lèvres de la petite et elle éclate de rire devant le bruit que produit la panthère. "Allez Hime ! La première à la maison ! Maman nous attend !""Attend !"mais ma voix meurt dans le silence qui m'entoure. "Aidez moi !" furent les seuls mots que je pus articuler avec d'hurler de nouveau, mais de douleur cette fois.

Je reviens au monde réel, un visage mangé par les tâches de sons pencher sur moi, m'ordonnant de respirer calmement. Mes cris déchirent mes oreilles, mon dos se cambre. Des larmes coulent sans discontinuer de mes prunelles entièrement noires. "Amarok ! Où est-t-il !". J'ai mal, trop mal. Ma main agrippe quelque chose, et je sens mes ongles s'enfoncer dans de la chaire. Mais je sers, encore et toujours. J'entends les os craquer, et ma vision vire au rouge sang. "Elle perd beaucoup de sang ! Elle s'agite bien trop !" la voix inquiète de Madame Thompson m'arrache un nouveau cri.

Aussi vite que la douleur est venue, tout disparaît. Remplacer par un sentiment de réconfort. Comme si je m'étais couchée dans les nuages. Des mains passent sur mon corps, le levant de toutes blessures physiques ou mentales. Et puis, j'entends distinctement une voix d'enfant. Un poids apparaît dans mes bras, et, alors que je relève la tête, je croise deux prunelles vertes emplies d'intelligence et le cri stoppe aussitôt. Il est là. Il est enfin là, dans mes bras, contre mon sein. Je me pense même plus à l'absent, perdu dans la contemplation de la perfection.