Le monde est étrange. Quand la haine est loin, tout semble beau et pardonnable. Mais il faut lutter contre son retour...

L'ambiance, ce matin, est extraordinairement douce. Bien au chaud sous mes draps doux comme de la soie, j'écoute tomber la pluie avec un sourire mutin, les yeux mi clos, indifférent à l'heure ou la date. Je me sens bien. Même la respiration de Jimmy ne me perturbe pas. Je m'amuse à faire éclore et se refermer un bouton d'anémone bleue ignorant que deux yeux bleus me fixent avec attention. Je sursaute au contact d'une main brûlante qui remonte le long de mon échine, et lui dérobe ma peau. Il lâche un lourd soupir, et je me retourne pour le regarder s'énerver un peu. Il grommelle, peste contre le mauvais caractère que le ciel m'a donné et notre union stupide, avant de remarquer que je le fixe. Et là, à ma grande surprise, il devient rouge pivoine et commence à s'énerver en bafouillages inintelligibles. Ce qu'il est drôle !

"Tu sais, vu que nous sommes coincés ensembles, on pourrait peut être passer une journée tous les deux... Non ?"

Je savais pas que j'avais épousé un homme avec des soucoupes à la place des yeux tiens... Il acquiesce en silence, complètement soufflé, et je quitte le nid douillet du lit pour aller enfiler mes vêtements d'hiver. Ben oui, quand le froid veut s'installer sur Gi, il s'y installe ! Nous sommes en plein mois de septembre, et il pleut comme pas possible dehors. Je met donc un pantalon étanche, mes bottes en peau de castor, une veste de fourrure lupine, et des gants. Jimmy est éternellement habillé de ses fringues de dragonnier. Faut avouer, ça protège de tout. Il ajuste mon écharpe sous mon regard perplexe, referme la maison derrière lui, et nous nous retrouvons donc seuls en plein bois, sous une pluie torrentielle. Un immense sourire fleurit sur mes lèvres, et je m'élance en courant dans l'eau, ravi, crépi de boue en dix secondes. Télys bondit sur moi, me renverse dans une flaque et j'explose de rire en voyant la tête de mon cousin. Et l'idée qui germe doucement dans ma tête ne va lui plaire du tout... Mais alors du tout. Je m'approche de lui avec un sourire de chat, le fixe trente secondes sans faire un geste, et le temps qu'il calcule mon mouvement il se retrouve assis dans la boue, sa main dans la mienne, sous mes yeux hilares et ceux de Télys qui se fout de sa gueule allègrement. Ses yeux prennent une expression surprise, puis furieuse et réprobatrice. Je fais un, deux, trois pas en arrière et démarre en sens inverse comme une flèche, mort de rire, le blond furieux aux trousses.Mais il ne me tue pas quand il me rattrape, il me hisse juste sur le dos de l'immense créature qui vient de surgir au dessus de nous. Un dragon. Je hurle. A son tour de rire, tandis que je m'accroche désespérément à la selle. La bête prend de la hauteur, trop de hauteur pour moi, et file vers les montagnes blanches. Le pays des dragons de la terre... Au secours !!! Le ciel défile trop vite, je n'aime pas ça, j'ai horreur de ça, je veux pas y aller...
Le dragon se pose en douceur, au milieu d'une sorte de village taillé dans la montagne, peuplé de reptiles immenses et magnifiques. Certains apprennent encore à voler... Bouche bée, je ne remarque même pas que Jimmy m'a fait descendre de son ami, et je tend la main par réflexe vers une bête aux écailles vert brun splendide, chatoyante. Le dragon recule vivement, mais considère mon être une minute puis revient vers mes doigts. Je suit le mouvement fluide de son cou des yeux, subjugué, et le contact avec ses écailles m'électrise. C'est mort maître loup, je ne lèverai pas la main sur un des leurs, même à moitié dragon. Trouves en un autre.
Le retour au bercail se fait trop vite à mon goût, je m'entends bien avec Joïkra, mais bon tant pis il a promis qu'il m'y emmènerai une autre fois. La rupture s'opère quand nous nous retrouvons à la maison, dans le salon, nos fringues dans le lavoir et celles pas trop atteintes séchant au coin du feu, à peine vêtus. Je résiste depuis plusieurs semaines, et pourtant ce soir, il y a dans l'air un drôle de courant électrique. Assis sur le tapis, je laisse ma tête glisser sur les genoux du grand blond, bercé par les allées et venues de sa main dans mes cheveux épais. Je ne résiste pas à la pression qui me fait lever le visage vers lui, ni au contact de ses lèvres. J'ai besoin de me sentir bien, encore mieux que ces derniers jours. Je sais qu'il ne m'aime pas, je sais qu'être enchaîne à moi, un homme, par la force, le fait souffrir. Mais il est bien trop obsédé par le sexe pour ne pas vouloir mon corps, surtout que je lui résiste depuis les noces soit quatre longs mois et deux semaines de plus. Le plus cuisant échec en conquête amoureuse de sa vie, il m'a hurlé ça la semaine dernière quand j'ai menacé de lui arracher la queue... Haha !
Je ne sais pas quand nous sommes montés, je sais qu'il est nu et qu'il est en train de dénouer les liens de mon sarrouel. Que mon souffle est devenu erratique, et que je stresse un peu quand même. Je me sens scruté quand le dernier morceau de tissu quitte ma peau, et choqué quand sa bouche vient rencontrer ma gorge. Je sais ce qu'il voudrait. Mais ça, il ne l'aura pas. Jamais je ne le toucherai. Un hoquet stupéfait résonne dans la chambre quand je sens son corps se lier au mien, et je serre ses doigts entre les miens pour me faire à la douleur. Quand même, il aurait pu être moi cash là... Merde quoi, ça fait mal ! Je mords ma lèvre, mais dès les premiers mouvements c'est contre mes geignements stupides que je dois lutter. C'est... Merde ! Je m'accroche à ses épaules, cherchant l'air. J'aurais du céder plus tôt...
Une heure après, Jimmy dort. C'est bon de ne plus jamais dormir seul, encore plus dans des bras chauds. J'aurais vraiment dû céder plus tôt.