Musique My wings are like a hurricane... Feel the heat of my breath, I am fire I am death.
Smaug's song,
Karliene.

Musique | Je suis né une nuit d'hiver, peu après Noël, à la veille d'une année neuve, vierge de toute terreur et de toute joie. La neige secouait les branches des arbres près de la tanière de ma mère, réfugiée là en urgence en pleine période de reproduction. Elle avait rencontré son mâle ici, un grand dragon des contrées désertiques de pays brûlants, affaibli par un combat contre des créatures aborigènes. Il avait échoué là, et elle, elle l'avait aimé ainsi. Je ne l'ai pas connu. Ses blessures avaient eu raison de lui, finalement. Mais j'ai connu ses restes.
Bref.
Je suis donc né sur le continent de la terre, d'une mère perdue et d'un père assassiné, enfant unique et turbulent. Pendant plusieurs mois, nous sommes restés coincés dans cette fichue grotte humide, malodorante et inconfortable. Je ne volais pas, pas bien du moins. Nous ne pouvions pas faire le trajet jusqu'à Fotia en seul vol, et deux dragons ne sont pas exactement discrets. Alors nous sommes restés. Mère m'a enseigné les bases de mon existence. La solitude. L'envie. Et la cruauté gratuite. Je tuais beaucoup, des bêtes surtout, ou des enfants. Je savais ce à quoi j'étais voué. Les dragons grandissent vite, et lentement à la fois. Tout s'est enchaîné. Les années ont succédé aux mois et, à la veille de mes cinq premières années, avec des meurtres par dizaines derrière moi, nous avons quitté Gi.
Vous pensez qu'ainsi, nous avions atteint les déserts comme prévu ? Non... Mère est morte. C'était à la moitié du voyage, quand un tir a touché son aile. Brisée net, par le tir ferme d'une catapulte, une roche de plusieurs tonnes. Comment les mercenaires avaient créé le monstre qui avait tiré cette chose, je ne le saurais sûrement jamais. Mais ils l'avaient fait, et mère est tombée en spirale, à pic. Bébé fier, je l'ai suivie. Je dois dire avec sérieux, et sincérité, qu'elle s'est bien défendue. Elle crachait des torrents de flammes, de lave épaisse qui ensevelissait le village des trappeurs sédentaires. Elle les envoyait voler de son aile valide, mordait furieusement ceux qui passaient à sa portée. A la fin, elle avait rasé la petite citée, et ne restaient que des cadavres et des ruines fumantes.
J'ai voulu la sauver. La nourrir de proies que je chassais. Mais un dragon descendu est un dragon décédé. Je ne pouvais rien faire.

Musique | La vie d'un dragon peut être terrible. Mais elle peut être douce, aussi. De ma mère, j'avais appris beaucoup de choses. Mais d'instinct... Plus encore. Les humains sont dangereux, cupides, mais il faut les connaître. Alors, en bon jeune dragon, j'ai fait ce qui était sage. J'ai cherché un abris proche du village rasé, je me suis débrouillé pour qu'il ait la réputation d'être maudis, et j'ai grandi. Longtemps. Longuement... Puis j'ai quitté ma tanière. Pour les villes.
J'avais une trentaine d'année, des tas de choses à découvrir, et l'esprit bouillonnant. J'ai mis au point ma métamorphose, et je me suis fondu parmi les êtres humains. Ce sont des créatures fascinantes. Si, absolument. Déjà, leur nourriture est à devenir fou de bonheur. Ah, si, mesdames, si, vraiment. Ensuite, les vêtements, oh mère Gaïa je pourrais tuer pour..attendez. Ah oui, j'ai tué pour en avoir. Haha. Aah... Je suis navré, c'était réflexe, il me fallait cette tenue, c'était complètement vital.
Donc.
Je me suis mêlé aux humains, pour voir, et.. C'était chouette, à vrai dire. Parce que même s'ils n'ont pas la même façon de vivre que nous, aucune notion de l'art du savoir vivre véritable et des richesses matérielles ou spirituelles, eh bien, ils sont agréables à vivre. Ce qui nous amène à, mais qu'ai je donc fait de ma vie alors, pendant presque deux cent années ? Vivre parmi les hommes ? Comme je suis aimable, je vais vous répondre.

Musique | Comme vous pouvez vous y attendre, j'ai donc, bien entendu, quitté les humains. En beauté, je dois dire. Collier volé, gardes sur les crocs, course poursuite éperdue et cité en flammes, je me félicite moi même de mon excellente scène d'adieu déchirants (surtout déchirants pour ceux qui cramaient, hein) à cette jolie petite ville de province d'Abacinus. Et ainsi, à presque cent ans, ai-je quitté les hommes.
Un dragon qui se respecte est riche. Un dragon qui pèse est très très riche, lui. Devinez ce que je voulais devenir.
Je me suis donc mis en quête d'une grotte, une belle, sèche, profonde, isolée au milieu d'un désert de forêts carbonisées par mes soins, entourées par des territoires habités par des hordes de démons et de smilodons garous qui dissuaderaient les humains de prendre la direction de ma tanière. Je l'ai creusée, aménagée, brutalisée. Et j'ai commencé à amasser des richesses... Des tas d'or, des tas, des tas et des tas de bijoux, de lames précieuses recherchées par les guerriers, de pièces d'or, de rares herbes médicinales qui pourraient sauver des centaines de vie chaque décennie. Tout cela précieusement caché dans mon antre, gardé, jalousement protégé par ma colère. Parfois, les humains viennent quand même jusqu'à moi pour me voler ou m'implorer de leur donner un remède pour leur pauvre petit gamin nauséabond, bruyant et malade. Il arriva, parfois, que je cède... Oh, si rarement. La destruction, la peur, et l'or étaient suffisants. Et puis, j'ai eu soif d'autre chose... J'ai voulu la voir, elle. La Terre...

Musique | Terre. Une aventure après l'autre, pas vrai ? Je me renseigné. J'ai organisé les choses, renforcé ma tanière, érigé un mur de lave à son entrée, que je pourrais briser d'un bon coup de patte en rentrant, et j'ai pris la poudre d'escampette... Direction la planète bleue. Oh je me suis constitué un look parfaitement moderne mais.. Légèrement décalé.
Éternelle chevelure blanche, cuir noir, rouge, blanc, bordeaux, rangers et mitaines, je me souviendrais longtemps de la tête de mes collègues quand je suis entré dans la salle des professeurs avec mon air d'adolescent à peine éclot et un sourire carnassier.
"Hello... Asriel Bludvist, enchanté, messieurs dames. Professeur de sport. Pour vous servir..."