-Aleccounouchet ! Tu viens au cinéma avec nous !

Devant les yeux de biche de la jeune femme qui me demandait cela avec tellement de passion et d'envie, je ne pouvais dire non. Bien sur, elle n'était qu'une humaine, mais de tout manière, qu'est ce que je pouvais me faire d'autre ? Le plus grand amour de ma vie était une humaine, et la seule personne que j'appréciai en ce bas monde était elle aussi une faible petite chose de race... humaine. Alors j'allais accompagner cette petite créature qui me le demandait avec des yeux emplit de désirs. Je savais qu'elle n'avait qu'une envie, c'était de finir la nuit avec moi. Les lycéennes de Saint Roddigthon sont bien plus ouvertes et chaudes que les femmes du passé... Ce n'est pas pour me déplaire, je peux le dire, mais il était bon de se chercher, de jouer au chat et à la sourie avant d'obtenir ce que l'on voulait. Les passions n'en étaient que décuplées et lors qu’enfin le moment tant attendu arrivait, il n'en était que plus poussé. Je dois sembler vieux à rester dans le passé, mais ma période de l'histoire fétiche reste la Rennaissance. Là où l'étiquette nous obligeait à parler à demi mot. J'étais en Russie sur la fin, mais le début était en France. Comme tout bon démon qui se respectait. Je vivais entre la frontière française et espagnole. Comme toujours, mes pas me ramenaient à mes sources...

8 heure 30 arriva rapidement, la journée passant à une vitesse folle. J'attendais les filles devant le cinéma, je ne savais ce qu'elle voulait aller voir, mais me laisser seul dans une salle obscure était une mauvaise idée. Surtout en compagnie de jeunes femmes. Mais personne ne savait le danger que je représentais. Et heureusement bien sur...

Je vient de me réveiller. C'est très embêtant, il est 19h27. J'ai loupé les cours. Boah, tant pis, je n'aurais qu'à dire que c'est à cause de ma dépression nerveuse et que j'ai pleuré tout le jour en bouffant du chocolat. Et oui, je déprime. C'est plus que pitoyable, mais bon, ce n'est pas de ma faute si les démons ont une force magique et pas les chasseresses ! Ben oui quoi, vous vouliez que je fasse comment pour maîtriser cet enflure ?! J'ai pas de pouvoirs !! Mais quand même, Gaïa disait qu'elle tenait à moi ; elle qui est omnisciente, elle aurait pu m'envoyer ma troupe en renfort pour empêcher ma mise à pied... Enfin, au moins j'ai le droit de conserver mes armes et d’œuvrer dans l'ombre, je suis juste plus immortelle. C'est déjà ça...
Vu que je m'ennuie, je regarde le programme de cinéma sur l'ordi, découvre le passage de Rec.Genesis et me décide pour ça. 20h30. C'est bien comme heure, ça me laisse le temps d'une douche et d'un maquillage-coiffage-fringue d'enfer. Je me rue donc sous la douche, ravie de savourer la chaleur de l'eau sur ma peau engourdie, me shampouine frénétiquement et ressort à 19h39. Parfait. Je suis un peu mieux réveillée là, tout de suite. Je file dans ma chambre, encombrée au possible de vêtements et de chaussures, et me plante devant ma coiffeuse surchargée de bijoux. J'enfile un bandeau de tissu élastique noir au niveau de la poitrine, un petit haut de dentelle épaisse par dessus et puis une veste en jean foncé agrémentée d'une capuche à fourrure, couverte de badges et autre, laissant mon ventre plat au nombril percé visible. J'ajoute à ça une jupe bleu pâle, beaucoup trop courte, avec des portes jarretelle attaché d'un seul côté et des bas résille. Enfin, j'enfile de hauts escarpins cloutés, un collier avec une croix christianique renversée et khôle mes yeux bleus glace. J'ai ce look depuis un bon moment déjà, et aujourd'hui c'est ma tenue soft. Je laisse même mon carré strict en ordre, sans y mettre de pics sur le bas ou faire une crête punk comme ça m'arrive de plus en plus souvent. J'aime bien voir les gens se retourner sur mon passage et entendre jurer les vieux outragés. J'ai le christianisme avant vous les gens, et je l'emmerde ! J'y ai cru, mais pas plus de onze ans et c'était entre 1357 et 1368. Année où, eh bèh, je suis morte. Voilà, hein, j'y peux rien si j'suis crue mais c'est comme ça. Y a pas de petit Jesus nulle part, juste les enfers -ben oui, pour les âmes blanches aussi mais elles ont la paix au moins parce que les créatures infernales peuvent pas trop les approcher. Seulement Satan, du feu et Gaïa la déesse mère. L’Église, ça sert à rien. J'en suis là de ma réflexion, les dents plantées dans un énorme burger au fromage et à la viande de bœuf, quand j'arrive à quelques mètres du cinéma. Et là... Je vois LA personne que j'ai le moins envie de voir qui attend. Oh non. Pourquoi faut-il que ça tombe sur moi ?! Tant pis, je vais le faire chier.
Prenant contenance, comme dans le clip d'où je tire cette tenue, je me redresse, met la la poitrine en avant et avance en me déhanchant légèrement, juste assez pour être sexy sans toucher à la vulgarité, sur mes talons. Je suis toute petite, il faut bien que je compense. J'avance donc vers lui en faisant claquer mes chaussures sur l'asphalte, et m'arrête sous son nez. Puis je rend mon timbre de voix plus sensuel et un peu plus grave aussi. Qu'il est beau...

-Salut Alec ! Si je m'attendais à te voir ici... Qu'est-ce que tu viens voir ?

Saleté. Si seulement tu pouvais être aussi laid que ton âme, connard !

Spoiler:

Le cinéma brille de mille feu. Les filles ne sont pas encore là, et je ne suis pas sur qu'elles arrivent longtemps avant le film. Elles doivent se préparer mes chéries. Qu'est ce qu'elles ont prévue déjà ? Les âmes vagabondes je crois. Oui, un film romantique à deux euros, ayant pour unique but de les faire ce blottir dans mes bras musclés. Je suis habillé en condition il faut dire. Une chemise un peu trop serré au niveau des épaules et des pecs, ouverte sur mon torse parfait, la veste en cuir tenue par la languette reposant sur mon épaule, et un jean Levi's. Pas mal du tout comme tenu, je vous jure. Comme d'habitude, j'attends appuyé contre le mur du ciné. Elles ne devraient pas tarder quand même ? Elles me veulent comme petit ami, et je le sais. Que c'est mignon. Mais qu'elles ne pensent jamais pouvoir me conquérir. Personne ne le peut, et la seule ayant réussit cet exploit de maitre est... morte.

J'entends alors des murmures courroucés. Des voix chevrotantes qui marmonnent dans leurs barbes, et suppliant dieu de les empêcher de regarder la personne qui arrive. Plissant les yeux, je la vois débarquer. Yulia Volkova n'aurait pas fait mieux. Oui je sais, je beug. Mais la chanteuse de Tatu est plutôt mignonne et en plus elle est lesbienne. Et moi, j'aime ça... Je passe une main brune dans ma chevelure chocolat et lui fais un petit sourire en coin. Elle est mignonne la petite Masha. C'est chou quand même. Juchée sur ses talons impressionnants, elle se plante devant moi et me décroche un sourire plein de dent. Avant de l'avoir violé, j'aurais pu commencer à flipper. Mais maintenant, elle n'était rien de plus qu'une simple humaine, et n'avait rien de... d'effrayant.

-Salut Alec ! Si je m'attendais à te voir ici... Qu'est-ce que tu viens voir ?

Elle a prit une voix sensuelle la donzelle. Elle veut jouer à cela ? Au jeu du charme je suis bien meilleur que toi ma belle. J'ai 5000 ans d'expérience moi.

-Et bien, j’accompagne des filles au ciné, elles ont peur de... justement avoir peur. Elles vont voir les âmes vagabondes je crois.

Je lui fis alors un splendide sourire et l'embrassa rapidement, sans lui lancer le temps de réagir. Elle allait gronder, cela, je le savais. Mais rien n'était plus drôle que de faire monter sur ses grands chevaux la russe. Maintenant que je l'avais violé, elle n'avait plus suffisamment de pouvoir pour ce permettre de m'envoyer bouler si elle ne voulait pas finir égorgé en plein milieu de la voie publique. Car certes, j'aimais cette apparence et cette identité. Être un chanteur était jouissif. Et je m’amusais plutôt bien à torturer tapette number one. Enfin, l'heure n'était pas aux discutions internes mais à savoir si j'allais tué ou non ce soir la belle Masha. Elle était tellement impulsive cette pauvre petite. Maintenant qu'elle n'était plus vierge, elle se permettait bien des choses. Oui, il est vrai que je ne l'avais pas revu depuis le 14ème siècle, et elle n'était qu'une enfant à l'époque. M'enfin quand même, qu'elle ne se permette pas de dire après Lydia vu la manière dont-elle était habillée....

Je toise le démon, le détaille de haut en bas, et fini par croiser les bras sur ma poitrine, ce qui la fait encore plus ressortir. Je déteste ce sale petit arrogant pourri jusqu'à la moelle ! Je vais le crever, le dépecer, je vous jure un jour je vais le massacrer !!
Rageuse, je dissimule mon amertume à la perfection et continue à sourire de toutes mes dents. Sauf que dans ma tête, il y a du sang, des tronçonneuses et des cris d'agonie... Les prisons de Gaïa. Ooh, j'adore cet endroit il faut que je demande à la déesse mère si je peux devenir une geôlière comme toutes les anciennes chasseresses avant moi. Oui, c'est la meilleure solution il n'y a pas de doute.

-Et bien, j’accompagne des filles au ciné, elles ont peur de... justement avoir peur. Elles vont voir les âmes vagabondes je crois.

Il sourit, crâneur, et me vole un baiser. Ah, tu crois que tu vas me faire sortir de mes gonds hein ? Je vois clair dans ton jeu, mon joli. Je vais pas me laisser faire, hé !
Je souris à nouveau, fais un mouvement d'épaule qui équivaut à peu près à un déhanché et glisse mes doigts dans mes cheveux pour dégager mes yeux, confectionnant ainsi un air un peu décoiffé mais toujours chic. Je suis une bombe, je l'ai toujours été, mais maintenant que je n'ai plus rien à perdre, ni à faire bonne impression, la hargne qui m'a toujours caractérisée suinte de tous les pores de ma peau. Je suis un animal acculé qui découvre les crocs en permanence. Et le moindre petit mouvement de menace peut s'avérer tragique pour l'adversaire. Mais avec Alec... Je ne joues pas ce jeu là. Non, je fais le contraire de ce à quoi il s'attend, et je sais qu'à la longue ça va l'énerver.

-Les âmes vagabondes ?! Haha ! Pitoyable ! Et bien, bon film ! Moi, je préfère aller me faire le nouveau volet de Rec. C'est bien plus instructif. Ciao !

Je décroise les bras, et repars vers l'entrée du cinéma de ma démarche chaloupée, provocant les vieux passants d'un regard narquois. Franchement, Jésus Christ et compagnie, quelles conneries ! Ha, pauvres idiots, quelle ironie quand vous découvrirez ce qu'il y a réellement après la mort... Pauvres âmes, le choc va être terrible. Je prends mon ticket, adressant un sourire des plus hypocrites à la guichetière et m'engage dans les salles sombres. Les couloirs qui vont vers la 7 diffusent Two fingers du nouveau phénomène britannique Jake Bugg, et la musique chaloupée me pousse à onduler encore plus. Je me sens d'humeur vampirique. C'est étrange. J'ouvre la 7 avec fracas, conquérante, et tous les visages se tournent vers moi. Je mâche mon chewing-gum sans discrétion, ravie, et avance jusqu'au dernier rang où sont déjà installés plusieurs jeunes détraqués qui me regardent avec un air de bienvenue. Parmi eux, Bilal, le cousin de mon pote de lycée Caleb. Et merde, mais qu'est-ce qu'il fout là lui ??! Fait chier !!! Bon, respire... Alec... Plante tes greluches et viens !! Je veux pas me coltiner le pot de colle, aaah !!!!

-Les âmes vagabondes ?!Haha ! Pitoyable ! Et bien, bon film ! Moi, je préfère aller me faire le nouveau volet de Rec. C'est bien plus instructif. Ciao !

Et elle me laisse là, comme un con. Je reste muet, à mater son arrière train lorsqu'enfin les dindes se ramènent. Elles sont toutes les deux cheerleaders à SRHS une brune et une blonde. Alexandra Oldigez et Mathilde Grange. La première, petite soeur de la magnifique présidente du conseil des élèves a été transformé il y a peut en une puissante succube. Aussi brune que moi, la jeune hispanique est d'une beauté à couper le souffle. Il faut dire qu'elle l'était déjà avant de devenir une immortelle alors... Mathilde quand à elle brille dans une courte robe blanche tranchant sur sa peau bronzée par de possibles vacances dans le sud de la France. Pour tous, seule la blonde est encore à l'école et la brune a... Disparu.

-Alec, on pensait sérieusement que tu ne serais pas venu. Comment tu vas bébé ?

Je lui souris pas tout réponse et les prennant chacune pars la taille, j'avancais jusqu'au ciné. Pourtant, un mauvais pressentiment s'empara de la moindre de mes cellules. Masha ! Je lâchais les filles trop rapidement pour un humain et sous le regard interrogatif d'Alexandra, je m'engageais jusqu'à la salle 7. Des musiques angoissantes, histoire d'être mit dans l'ambiance et, au bout, mon petit animal domestique aussi effrayée qu'une biche. L'un des abrutis avec lesquels elle traîne d'habitude est là, à tenter de lui faire du rentre dedans. Un sourire étire mon visage parfait et j'encercle sa taille avant de dire d'une voix glaciale :

-J'te dérange pas trop au moins fils de pute à draguer ma petite amie ? T'as de la chance d'être dans un cinéma, sinon je t'aurais déjà refait le portrait. Ça va honey ?

Je l'embrassai tendrement, comme elle ne l'avait jamais vu de ma part. Tant qu'à jouer les amoureux transit, autant le faire à fond.

-J'te dérange pas trop au moins fils de pute à draguer ma petite amie ? T'as de la chance d'être dans un cinéma, sinon je t'aurais déjà refait le portrait. Ça va honey ?

Je ne pense jamais sincèrement. Sauf quand il s’agit d’Alec. Or on dirait que penser les choses ou du moins les désirer avec ce sentiment les rend plus accessibles, moins illusoires. Bilal m’insupporte, certes, mais pas non plus au point que je veuille à tout prix m’éloigner de lui. Il est lourd et un peu bête, mais pas méchant quand même. Seulement, moi je voulais que le démon vienne avec moi au ciné… Pas avec ces deux poufs pas originales pour deux sous. Dans tous les cas, peu importe ce qui m’est véritablement passé par la tête parce que l’essentiel, c’est vole à mon secours ! Oui, bon, il surjoue c’est qu’un démon faut pas trop lui en demander non plus mais bon, il est là c’est le principal. Les motivations, on s’en fout un peu.
Je me blotti sur son torse sous le regard jaloux et paumé du pauvre Bilal, qui balbutie des excuses loin d’être sincères même si elles sont hagardes et retourne s’asseoir, dépité, sous les rires et les quolibets de ses amis mal léchés. Et oui mon vieux, tu joues pas dans la cour des grands, toi. Je tire le beau brun à ma suite, pour l’autre côté des sièges du dernier rang de la salle, et m’installe confortablement sur l’un d’eux, les jambes étendues, cachants peu de choses mais juste assez pour que personne d’autre que lui ne le remarque. Je peux me montrer charmeuse, mais pas avec n’importe qui. J’aime bien provoquer les petits vieux, mais ça s’arrête là, je ne suis pas une prostituée non plus. Je ne suis pas comme Sharp moi. Je sais vivre sans relation physique… Ben oui.
Le film commence sur une musique trop sinistre pour annoncerquelque chose de réellement terrifiant, et pioche dans mon cornet de pop corn avec nonchalance. Ça commence à saigner, ça suinte de partout, ça crie, ça chiale et c’est sans interêt. Ça ressemble fort aux prisons des chasseresses tout ça. Dépitée, je souffle bruyamment et fixe l’écran avec des yeux d’otarie. Comment on peut faire un film aussi nul et aussi peu effrayant tout en mettant autant de faux sang sur les caméras ? C’est honteux. Je me demande si Alec va en penser la même chose que moi. Oui, sûrement. Je ne vois pas ce qu’on pourrait penser d’autre de cette horreur. Je chuchote.

-Je me demande si j’ai bien fait de choisir ça… C’est encore pire qu’Evil dead, tu ne trouves pas ?

Elle se blottie contre mon torse parfait pendant que l'autre imbécile balbussie des excuses incompréhensibles. J'embrasse son front tout en jetant un regard noir au jeune arabe et la suis lorsqu'elle me tire vers des sièges. Mon portable vibre, un message des filles, mais je n'en ai que faire. De toute façon, Masha est bien plus intéressante que mes deux cruches. Pas physiquement, c'est impossible d'arriver à la cheville d'Alexandra, mais mentalement. Elle devrait tellement me haïr mais en ai bigrement incapable. Tant pis pour elle, moi elle m'amuse. Je crois que je suis pire qu'un chat avec sa proie. Enfin dans ma cas, pire qu'un puma. Dangereux, sauvage, et joueur.

Le film débute sur une musique angoissante, et je lève les yeux au ciel. Les films soit disant d'horreur m'ont toujours bien fait rire. La vie en elle même est bien plus effrayante que les films, et le faux sang qui ressemble à du ketchup. Au bout de dix minutes, je me fais déjà chier, et pioche dans le pot de popcorn de Masha. Le maïs soufflé craque sous mes dents, et je m'ennuie réellement. Rec est vraiment un film d'horreur de merde. C'est même pas de l'horreur enfaite, c'est du ridicule.

-Je me demande si j’aibien fait de choisir ça…C’est encore pire qu’Evil dead, tu ne trouves pas ?

Je lui fais un grand sourire plein de dent. J'ai envie de m'amuser moi, et je ne sais pas si Gaïa me ferra payer un acte comme ça. Les pulsations effrayées des coeurs, l'odeur de peur. Si je ne veux pas commettre un massacre, il vaudrait mieux que je sorte. Parce que je vais les buter. Sincèrement. La peur des humains et même de toute autre race est le plus puissant des aphrodisiaques. Dangereuse, elle nous transforme en monstre sitôt qu'elle apparaît. Et... Je crois que j'ai faim. Faim de sang. Mes crocs transpercent mes dents, le venin suitant.

-Je crois qu'on ferait mieux de sortir tu crois pas ?

C'est une question purement rhétorique, car je la tire vers le bras dehors. Le popcorn tombe au sol, elle le bruit de ses talons retentit derrière le bras qui reste ma seule accroche au monde humain. Ma respiration se bloque dans ma gorge, et sitôt dehors, j'inspire profondément l'air frais qui balayent les feuilles et les nuages. Putain ! Mes prunnelles d'un rouge braise se posent sur Masha. Elle ferait mieux de courir. Loin.

Je suis plus ou moins passionnée par les effets scéniques, absorbée par la question du ketchup épais sensé être du sang qui gicle de tous les côtés et mâchouillant mon pop corn quand je perçois la tension du démon. J’ouvre la bouche pour lui demander ce qui ne va pas, mais il attrape mon bras avant que j’en ai eu le temps.

-Je crois qu'on ferait mieux de sortir tu crois pas ?

Et il m'entraîne derrière lui sans aucune autre forme de procès, les muscles tout à fait contractés. Je le regarde avec un air idiot, surprise, avant de comprendre. La peur des spectateurs stupides, bien sûr ! L'odeur de la peur doit être omniprésente dans la salle, horriblement envahissante et entêtante. Un sourire goguenard se peint sur mes lèvres, et je croise les bras, laissant mes reins pencher vers la gauche. J'émet un son moqueur et agacé à la fois, et tourne les talons sans plus de considération pour le beau brun.

-Et bien... Je connais des démons plus résistants et moins esclaves de leur fonctionnement profond. Tu fait office d'enfant dis donc.

Je parle de son chef... Evidemment. Je ne suis pas sensée le connaître, mais il y a beaucoup de choses que je ne suis pas sensée faire, dire ou savoir mais que pourtant, je fais, dit, sais. Je ne suis pas n'importe qui, j'ai été la capitaine de l'unité 51 pendant 400 cent ans. Et ce n'est pas une poste donné à tout le monde. Heureusement qu'il y a Romi. Comme ça, je peux dormir sur mes deux oreilles, elle plus cruelle que n'importe quelle chasseresse actuelle. Elle manque seulement un peu de ruse. Mais ça viendra. J'ai moins même été une capitaine violente et sans pitié, sans aucune considération pour mes proies, et la réflexion a fini par me perdre. On ne négocie par avec les réfractaires. On les brise, on les broie sous nos talons de fer et basta.
Je tourne les talons sans un mot de plus, après l'avoir jaugé du regard avec dégoût, et m'éloigne d'un pas chaloupé, balançant sur mes énormes talons compensés, les hommes se retournant sur mes fesses à mon passage. Poursuit moi si tu l'oses, démon, mais tu risques d'avoir des surprises. Ce ne sont mes sentiments qui brideront ma violence. Autour de mon cou brille une chaîne d'argent aux maillons épais et lourds, et coincé entre ma eau et ma jupe, parfaitement discret, un pistolet à balles d'argent heurte mon bassin à chaque pas. Viens autrement que calme et sur tes gardes, et je t'abat en pleine rue. C'est décidé. Je serais gardienne dans les prisons des chasseresses. Et si tu étais ma première nouvelle victime, Alec ? Tu me ferais un grand honneur...

-Et bien...Je connais des démons plus résistants et moins esclaves de leur fonctionnement profond. Tu fais office d'enfant dis donc.

Je gronde, ma gorge vibre avec violence et mes prunelles splendides se focalisent sur la brune que j'ai fais redevenir humaine dans la douleur. Je ne suis pas un enfant. Je suis l'un des plus vieux démon, l'un des anciens. J'ai connu tout les Satans, je suis le bras droit du dernier. J'ai eu les plus belles femmes à mon bras, c'est moi et personne d'autre que mon roi envoye lorsqu'il s'agit d'une femme. La princesse des tigres, la reine des vampires et autre. Il n'envoie que moi. Je ne suis pas aussi fort que lui, mais avec l'âge vient la force. Tant mentale que physique. Mon corps ne témoigne aucunement de ma puissance magique. Je suis Caleb et non un pauvre démon que l'on peut mettre de côté aussi facilement qu'un humain.

Elle me laisse là, planté comme un piquet, comme un crétin. Les passants me jettent des regards particuliers, et j'entends certain se demander si je porte des lentilles. Un rire me parvient au loin, les échos de musiques de fête lorsqu'une porte s'ouvre, et le frottement imperceptible des coussinets d'un chat sur des tuiles. Je passe une langue agacée sur mes lèvres, en un geste répétitif et regarde le ciel encore bleu. Il ne fait pas nuit, mais la lune montre déjà le bout de son nez. Je sens l'odeur de peur des humains dans le cinéma, mais beaucoup plus tenue. Très bien. J'en ai plus que marre, et j'ai besoin de passer mes nerfs sur quelque chose. Ou plutôt quelqu'un. Je ne suivrais pas Masha, elle ne m'intéresse pas plus que ça. J'ai passé un bon moment avec elle, maintenant... C'est passé et puis... Elle est pas non plus extraordinaire au pieu. C'est une ancienne vierge quoi. Et elle ne l'a plus grâce à ma petite personne. Sinon, elle serait encore une pauvre et innocente petite fille.

Je laisse une bonne heure s'écouler, assis à un bar, seul à un table avec un cocktail parfumé et fruité. Mes doigts battent la basse de la chanson qui tourne, un air connu mais sur lequel je ne sais mettre de nom. Je laisse mes magnifiques prunnelles noires regarder les visages des filles présentés. Une magnifique brune attire mon regard et ses yeux d'un bleu étincelant se posent sur moi. Elle me fait un petit sourire lorsqu'elle capte mon regard et retourne à son verre de ce qui me semble être une vodka pomme. Je me lève alors, et entend ses copines lui souffler que j'arrive alors que je me dirige vers elle. Je lui fais un énorme sourire en coin, plus sexy que tout ce qu'elle a pu voir jusqu'à présent. La pulpeuse brune se perd dans le puit sans fin de mon regard et je prends une chaise à ses côtés. Dix minutes plus tard, elle est déjà pendue à mes lèvres. J'adore les filles comme ça. Enfin, j'ai une gros problème avec les femmes je crois. J'aime à les avoir autour de moi et pouvoir jouer dans cet art pervers qu'est la manipulation de  mes pairs. Je suis peut-être un connard, mais j'ai ça. Oh bien sur, certain diront que je n'ai jamais été que le second en tout, mais au regard d'où je venais, je peux dire avoir fait subir une ascension fulgurante à mon rang. Oui, je poursuis sans fin un pouvoir éternel, mais aujourd'hui je suis second, le Caleb du roi démon et il n'y a que Satan au dessus de moi. J'ai réussi un coup de maître. Car aujourd'hui, seul le «Mud Blood» gravé dans la chair de mes reins prouvent d'où je viens. Mais l'heure n'est pas à mon discours sur mes origines sociales. Mais sur comment faire pour buter cette fille sans que personne ne capte qui je suis. Un pauvre ère innocent passera pour un tueur et il se rappellera du meurtre. Il sera parfait.

Le cri de la jeune humaine retentit dans la froideur de l'atmosphère. Ma main posée sur son haine lui arrachait des soupirs jusqu'à ce que mes dents déchirent la peau fine de son cou. Le venin coule dans ses veines et ses suplications me font éclater d'un rire cruel. Je lui donne mon sang, et mors encore. Le sang qui gicle mêlé à l'hémoglobine me transforme. J'aime ça. La douleur de mes proies.

Le temps passe très vite quand on est mortelle. C'est ce dont je suis en train de me rendre compte en tirant sur ma cigarette, comme si ma vie en dépendait. Beaucoup de gens se tournent en me croisant, ou me suivent du regard en passant en tram / bus. Depuis longtemps, c'est ainsi. J'ai l'habitude et puis j'aime bien me savoir désirée mais innaccessible. Oui, parce que même si ce pourri de démon à la noix m'a faite humaine, mon caractère n'a pas changé d'un iota et la rage qui me menait par le bout du nez au début de mon commandement de bataillon est ressortie du fond des placards. Et croyez moi, ce n'est pas une bonne chose pour tout le monde. je ne compte plus tous ceux que j'ai étripés parce qu'ils avaient simplement eu le malheur de me demander leur chemin.
Au moins, la bonne nouvelle du jour, c'est que mon entretien avec les chef chasseresses c'est bien passé et que Gaïa a raidement fait parvenir son accord : je suis dès à présent une gardienne de prison, prenant mes fonctions demain matin. C'est bon de se savoir de "retour au pays".
Je déambule dans la ville depuis plus d'une heure quand un hurlement strident déchire l'ambiance paisible du quartier dans lequel je me suis posée. Oh tiens, ça, je parie que c'est mon petit démon frustré. Ptet qu'il a pas aimé à ce point être laissé de côté comme une pauvre cloche par la fille la moins palpitante de son tableau de chasse.
Je me redresse sur le toit sur lequel j'étais assise et époussete mes vêtements, agacée d'être ainsi tirée de ma torpeur. Les créatures ont ce chic pour faire foirer les journées de tous les humains, c'est vraiment dingue. Ah ! quand j'étais sur le coup pour les affaires d'animaux c'était pas comme ça. On pouvait se lâcher au moins, on rigolait entre copines, et les bestiaux nous snobbaient pas eux. Ils savaient quand ils avaient dépassé les bornes, contrairement aux humanoïdes.

La rue est sombre, loin des lampadaires. Mais je distingue parfaitement la silhouette du démon et de sa victime. Encore une femme. Décidement lui il a un gros problème, j'ai jamais vu un démon être aussi pro du meurtre féminin. Tous les autres sont ex aequo filles / garçons. A peu près. Ils tuent tout ce qu'ils croisent quoi, on va pas en faire un roman.

"Mais dis moi, Caleb... Tu es de mauvais poil on dirait. Qu'est-ce qui te chiffones autant monsieur le bras droit ?"

Je pourrai l'asticoter un peu, mais je ne suis pas d'humeur. Je suis déjà bien trop occupée à faire valser ma broche de gardienne entre mes doigts. Aaah les cris de douleur des crétaures rénégates sous torture, quel bonheur... Des aiguilles, des chaines, oh ! je vais me faire plaisir. Vivement les incartades de certains de mes amis...

"La lune est belle, ce soir" dis d'un ton pragmatique et grinçant. Il me sort par les trous de nez. Je voudrais tellement l'avoir sous ma coupe dans une cellule... Livré.

"Mais dis moi, Caleb... Tu es de mauvais poil on dirait. Qu'est-ce qui te chiffones autant monsieur le bras droit ?"

Tu penses que j'ai un problème avec les femmes pas vrai ? Mais tout à fait ma pauvre. Tu ne le savais pas. Pourquoi crois-tu que je t'ai torturé, que j'ai voulu faire de toi ma femme par le passé. Tu m'as énervé à mourir. Je devais t'empêcher de devenir une chasseresse et cet imbécile de serpent ne t'avait pas mordu. Je m'étais d'ailleurs fait sacrément détruire par Satan lorsque je m'étais lamentablement craqué.

"La lune est belle, ce soir"

Je lui jette un regard mortel, fini ma nana en vitesse et me tourne vers elle, les lèvres couvertes de sang. La fille que je tenais jusqu'à présent dans mes bras tombe avec un bruit mat sur le sol, poupée barbie désarticulées.

"Masha, quand donc va-tu apprendre à fermer ta gueule et laisser les adultes jouer avec leurs proies ? J'ai du la finir rapidement là, m'enfin, tu m'offres un choix bien plus... drôle"

Et je m'approche d'elle, d'une démarche féline avant de passer mes bras autour de sa taille avec la force d'un véritable Espagnol, la faisant glisser et laissant mes lèvres frôler les siennes.

"Dit moi Masha, t'as déjà baiser dans le sang ?"

Un sourire sadique mais tellement charmant sur les lèvres, je l'embrasse de nouveau. Tu vas t'ennerver pas vrai ? Tenter de me frapper. Pauvre petite chose.